De la poésie jaillit la révolution.

17 avril 2021 Par Moka ASSAM

En ces temps d’accessibilité de l’information sur internet, inutile de trouver les excuses pour ne pas connaitre, savoir. Il suffit d’avoir un minimum de discipline (au moins) à chaque date commémorative pour plonger dans les œuvres de nos éminents écrivains qui se sont sacrifiés pour la libération des énergies positives, en Algérie.

Nous sommes à quelques jours du 20 avril et Mouloud Mammeri n’a encore jamais manqué à notre appel.

Mouloud Mammeri a trouvé le meilleur angle d’attaque, politiquement parlant, pour parler d’un peuple qui habite en Afrique du nord depuis des millénaires. Ce peuple, omis et honni par le pouvoir Algérien depuis l’indépendance est le peuple Amazigh.

Observons cette trajectoire :

– Mouloud Mammeri est interviewé en mars 1980, par le journal Libération suite à la sortie de son livre : « Poèmes kabyles anciens », textes berbères et français, Paris, Maspéro, 1980

– Les militants de l’université de Tizi-Ouzou invitent l’écrivain pour une conférence sur le même sujet.

– Le pouvoir décide d’interdire violemment cette conférence. Mouloud Mammeri « empêché »

– Le 20 Avril 1980 vers 1h du matin (opération Mizrana), des CRS avec armes et chiens débusquent violemment les étudiants de l’université en plein sommeil.

– Des arrestations violentes. Plusieurs jours sans aucune nouvelle. Des mineurs dans le lot… Tous considérés comme morts par leurs familles.

– Malgré la chasse à l’homme orchestrée éhontément par le pouvoir, les habitants de la Kabylie appellent à une marche PACIFIQUE.

Arrêtons-nous là.

De la poésie à la marche pacifique.

Le même pouvoir depuis lors a usé EXACTEMENT des mêmes méthodes jusqu’à aujourd’hui. Le résultat est le même : des marches PACIFIQUES.

La relation entre la poésie et la révolution n’est pas un raccourci mais une réalité !

Je ne vous ferai pas ici l’histoire de la suite « des évènements », mais je vous propose un autre poème sur le peuple Amazigh, écrit par Baudelaire, en hommage à Jugurtha.

Vive la poésie et bonne lecture.

Arthur Rimbaud

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…

Du second Jugurtha de ces peuples ardents,

Les premiers jours fuyaient à peine à l’Occident,

Quand devant ses parents, fantôme terrifiant,

L’ombre de Jugurtha, penchée sur leur enfant,

Se mit à raconter sa vie et son malheur :

‘’Ô patrie ! Ô la terre où brilla ma valeur !’’

Et la voix se perdait dans les soupirs du vent.

‘’Rome, cet antre impur, ramassis de brigands,

Echappée dès l’abord de ses murs qu’elle bouscule,

Rome la scélérate, entre ses tentacules

Etouffait ses voisins et, à la fin, sur tout

Etendait son empire ! Bien souvent, sous le joug

On pliait. Quelquefois, les peuples révoltés

Rivalisaient d’ardeur et, pour la liberté,

Versaient leur sang. En vain ! Rome, que rien n’arrête,

Savait exterminer ceux qui lui tenaient tête !….’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…

‘’De cette Rome, enfant, j’avais cru l’âme pure.

Quand je pus discerner un peu mieux sa figure,

A son flanc souverain, je vis la plaie profonde !…

La soif sacrée de l’or coulait, venin immonde,

Répandu dans son sang, dans son corps tout couvert

D’armes ! Et une putain régnait sur l’Univers !

A cette reine, moi, j’ai déclaré la guerre,

J’ai défié les Romains sous qui tremblait la terre !….’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…

‘’Lorsque dans les conseils du roi de Numidie,

Rome s’insinua, et, par ses perfidies,

Allait nous enchaîner, j’aperçus le danger

Et décidai de faire échouer ses projets,

Sachant bien qu’elle plaie torturait ses entrailles !

Ô peuple de héros ! Ô gloire des batailles !

Rome, reine du monde et qui semait la mort,

Se traînait à mes pieds, se vautrait, ivre d’or !

Ah, oui ! Nous avons ri de Rome la Goulue !

D’un certain Jugurtha on parlait tant et plus,

Auquel nul, en effet, n’aurait pu résister !’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…

‘’Mandé par les Romains, jusque dans leur Cité,

Moi, Numide, j’entrai ! Bravant son front royal,

J’envoyai une gifle à ses troupes vénales !…

Ce peuple enfin reprit ses armes délaissées :

Je levai mon épée. Sans l’espoir insensé

De triompher. Mais Rome était mise à l’épreuve !

Aux légions j’opposai mes rochers et mes fleuves.

Les Romains en Libye se battent dans les sables.

Ils doivent prendre ailleurs des forts presqu’imprenables :

De leur sang, hébétés, ils voient rougir nos champs,

Vingt fois, sans concevoir pareil acharnement !’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…

‘’Qui sait si je n’aurai remporté la victoire ?

Mais ce fourbe Bocchus… Et voilà mon histoire.

J’ai quitté sans regrets ma cour et mon royaume :

Le souffle du rebelle était au front de Rome !

Mais la France aujourd’hui règne su l’Algérie !…

A son destin funeste arrachant la patrie.

Venge-nous, mon enfant ! Aux urnes, foule esclave !…

Que revive en vos cœur ardent des braves !…

Chassez l’envahisseur ! Par l’épée de vos pères,

Par mon nom, de son sang abreuvez notre terre !…

Ô que de l’Algérie surgissent cent lions,

 Déchirant sous leurs crocs vengeurs les bataillons !

 Que le ciel t’aide, enfant ! Et grandis vite en âge !

 Trop longtemps le Français a souillé nos rivages !…’’

 Et l’enfant en riant jouait avec un glaive !…

II

 Napoléon ! Hélas ! On a brisé le rêve

 Du second Jugurtha qui languit dans les chaînes…

 Alors, dans l’ombre, on, voit comme une forme humaine,

 Dont la bouche apaisée laisse tomber ces mots :

 ‘’Ne pleure plus, mon fils ! Cède au Dieu nouveau !

 Voici des jours meilleurs ! Pardonné par la France,

 Acceptant à la fin sa généreuse alliance,

 Tu verras l’Algérie prospérer sous sa loi…

Grand d’une terre immense, prêtre de notre droit,

Conserve, avec la foi, le souvenir chéri

Du nom de Jugurtha !…N’oublie jamais son sort:

III

Car je suis le génie des rives d’Algérie !…’’